‘’Pourquoi chanter quand il y a tant à faire? Pourquoi niaiser devant ce beau parterre?’’
L’Art….
Mis à mal dans les derniers mois. Dans la dernière année.
Tout un milieu amputé de ses membres. Privé de son air. À se battre, se débattre, s'épuiser, tomber et se relever encore. Et tout ça pour quoi? Pour qui?
À quoi ça sert, l’Art?
À quoi je sers, moi, l’interprète?
Ces questions, je me les pose depuis que j’ai plongé à plein cœur dans le domaine des arts vivants il y a 20 ans…
Puis un jour, j’ai croisé des gens pour qui faire de l’art veut aussi dire partager, intervenir, rejoindre, discuter, mettre en lumière. Et j’ai trouvé un début de sens…
Ça commence dans un local de répétition de la salle Pierre-Mercure, à Montréal.
La fébrilité de la première lecture.
On se demande si Montréal nous attendra toujours demain matin.
Nous savons que nous sommes privilégiés.
On se toise, on rit trop, on parle fort, on se trouve beaux et belles.
Jade est là. Entière, nerveuse, talentueuse. J’aime son énergie.
On se fait distribuer un numéro de début de spectacle où on va jouer des sœurs qui chantent (très mal) un Yodel pas très bon. On trip. On est crampée. Je sens que ça colle entre nous.
Je l’aime. Et ce sera pour longtemps.
Spectacles, tournée, loges, loges, loges.
Je tombe de plus en plus sous le charme.
Je découvre rapidement que cette actrice et chanteuse pas piquée des vers tient à bout de bras, avec son complice et amoureux Simon, (aussi interprète pluridisciplinaire de grand talent!) une compagnie de théâtre de création ; le Théâtre de l’Oeil Ouvert. Ils m’invitent gentiment à participer à une soirée bénéfice pour ladite compagnie. Je suis impressionnée par l’organisation et la qualité de la soirée, la générosité de tous les participants; artistes et invités.
Le destin ne nous lâche pas! Jade et moi nous retrouvons ensuite sur un autre spectacle musical. Un qui comptait beaucoup pour les actrices que nous sommes; Les Belles-Soeurs. Cette expérience scellera notre amitié à jamais.
J’ai retrouvé l’équipe de l’Oeil Ouvert aux Sérénades du Belvédère, des spectacles truffés de poésie et de musique, offerts à un public conquis, fidèle, curieux, intéressé, qui revient, d’un spectacle à l’autre.
Ces spectacles de proximité démocratisent l’art, et touchent les gens au cœur de ce qu’ils sont, là où ils sont. Une expérience que je chéris encore à ce jour.
J’ai ensuite gouté au plaisir de la recherche en création avec eux sur le projet Licornasse, un texte de Geneviève Beaudet, que j’aurai d’ailleurs la chance de retravailler en ce début de février 2021. Nous avons présenté une étape de travail l’an dernier, et avons eu le privilège de discuter des thèmes abordés dans la pièce avec des intervenants de plusieurs milieux.
Émotions, confidences, partages, ces moments de médiation culturelle, ces rencontres citoyennes combinées à ces rencontres artistiques figurent parmi mes souvenirs marquants de 2019. En 2021, On transforme l'expérience, elle se multi-média-ise. C'est à travers un écran qu'on continuera de rencontrer, transmettre, questionner, rêver.
Utiliser l’art pour se frayer un chemin jusqu’au cœur des gens. Et assumer l’art en le descendant de son socle doré, en garder l’essence, et partager ce bijou avec des gens qui ont le cœur ouvert. D’âme à âme, d’égal à égal.
Faire quelque chose qui fait du sens, et en mesurer la portée à mesure…
Quelle belle façon de faire ce métier, de le vivre!
On sert peut-être à ça.
À mettre la lumière là où il faut.
Encore faut-il avoir l’humilité de rediriger cette lumière qui se braque souvent sur nous, les interprètes. La faire rejaillir sur l’humain. Sur l’autre.
Simon et Jade ont ce talent. C’est ce qu’ils sont.
Jade et Simon, c’est la bienveillance, la générosité, la passion, le travail acharné. Se réinventer sans arrêt. Et à travers les projets que j’ai eu la chance de faire avec eux et ceux dont j’ai été une spectatrice ravie, j’ai découvert qu’ils savent s’entourer de collaborateurs aussi bienveillants, passionnés et talentueux. Quelle chance de pouvoir participer à l’un de leurs projets, et d'y trouver du sens, plein de sens, dans ce partage. De se rappeler à quoi ça sert. À quoi je sers, moi l'interprète.
Je souhaite longue vie à l’Oeil Ouvert, et que cette étrange période que nous vivons tous et qui a donné des ailes à leur projet L’Art à ta portée l'été dernier, amène son lot de bonnes nouvelles, de lumière, et de poésie. J’y crois.
Geneviève Alarie
Comédienne et collaboratrice artistique de l'Oeil Ouvert
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